L’Ultra-Trail des Vagues: Monu… mental !

4h30. Samedi matin. Après une nuit courte de 3h30, petit déjeuner. Tout va bien. La forme est là. La motivation aussi !

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6h45: tous prêts pour le départ !

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7h00: centre ville du Palais, tous les voyants sont au vert, les flambeaux sont au rouge, la musique médiévale raisonne .. le frisson est bien présent !

Les 10 premiers kilomètres se font sans problème, dirigés par la frontale, et pas mal de ralentissements puisqu’on est au début de la course, le « tour de chauffe » en quelque sorte.
On passe de la nuit au lever du soleil, magnifique sur la grande plage.

Après une heure de course, je décide de m’alimenter un peu comme à mon « habitude ».

Mais allez savoir pourquoi, au lieu de me nourrir avec mes barres énergétiques favorites, je décide  de manger une pom’pote pommes-framboises. Celle-ci passe très mal, je la trouve tiède et elle me donne illico mal à l’estomac.

Il s’en suit des nausées et des remontées acides fort désagréables. Les douleurs ne me quitteront plus jusqu’à la fin…

La conséquence est immédiate : quasiment plus d’alimentation dans les 2 heures qui suivent, tout au plus ma boisson d’effort, 150 ml tous les 1/4 h, lorsque le bip de ma montre me le rappelle.

Rien d’autre ne passe, tout aliment me dégoûte.

33ème km (4h de course): Au milieu d’une montée abrupte comme nous en en avons fait des dizaines et des dizaines pendant ce trail, je m’arrête net. Les jambes ne répondent plus. Je suis incapable de mettre un pas devant l’autre. Les pieds restent collés au sol. La vraie panne d’essence , ce qu’on appelle « frapper le mur ». Je n’ai plus d’énergie à fournir à mes muscles, et il me reste… 50 km !

Micka et Aurélien sont environ 500 m devant moi. Il m’attendent. Je leur fais signe avec le pouce vers le bas que ça ne va pas fort pour moi. On discute un peu et je leur demande de continuer à avancer et de me laisser un peu me ressourcer, de me laisser seul, de continuer à leur rythme, sans avoir à m’attendre.

Être plusieurs ça aide souvent, se retrouver seul face à soi même , ça aide toujours. Je ne pense plus à personne si ce n’est à moi et à ma course : égoïsme obligatoire.

Je me dois de trouver la solution pour retrouver l’énergie nécessaire. l’idée de l’abandon me traverse l’esprit mais je la réfute aussitôt : ce n’est pas le genre de la maison ! Alors comment faire ? Faire le point et ne pas paniquer.

Je me dis que le plaisir doit être au rendez-vous. Que je n’ai pas couru tous ces kilomètres, fait toutes ces heures d’entraînements depuis 3 mois, pour ne vivre ici, dans ce si bel endroit, que de la souffrance. Après tout si on est là, si on s’est inscrit, si on n’attend que ça depuis des semaines, c’est pour se faire plaisir non ??

OK, j’ai mal au ventre mais je ne vomis pas, je n’ai pas de diarrhées donc les aliments restent dans mon corps, et je peux donc en bénéficier. Tout ce qui est positif doit prendre le dessus alors je mange, je mange. Je mange une barre énergétique puis deux, puis trois barres et une poignée de riz au jambon dans un sachet .

C’est trop sucré, c’est sec , je n’y prends aucun plaisi  mais se forcer deviendra salvateur à un moment donné.

Pour le moment je ne peux pas encore recourir, je décide donc tout d’abord de marcher sereinement en admirant la beauté du paysage qui m’est offerte sur cette magnifique île. Je me nourris des éléments naturels, je me nourris du vent qui me rafraîchit et me fait un bien fou. Ultra-Trail des Vagues - Photo4Pour que le mental soit au top, il faut que j’élimine toutes les pensées négatives. Et je me choisis un petit jeu pour faire divaguer mon esprit. Tout ce qui me fera oublier mon ventre ne me fera que du bien, tout ce qui me fera oublier la distance me fera avancer: « marche sur le plat, marche dans les côtes  et dès que tu as une descente, cours et amuse toi ! »
Je continue à avancer, en courant dès que j’en ai l’occasion même sur une descente de 10 m.

38ème km (4h30 de course): Petit à petit je rejoins Micka et Aurélien, jusqu’au deuxième ravitaillement. Nous avons 30 minutes d’avance sur la barrière horaire.

Malgré mes efforts de dispersion mentale, je reste toujours très embêté par les maux de ventre mais une chose est salvatrice: la Vichy Saint-Yorre !!! Enfin j’ai trouvé la chose dont j’avais besoin et qui me fait plaisir à avaler !

Je m’en enfile une bouteille entière sur le ravito, j’en remplis mes gourdes et je reprends le moral. Pas besoin d’avoir du champagne pour se faire plaisir avec des bulles !! 🙂

Nous repartons tous les trois.

Je peux de nouveau courir, ça s’améliore mais le rythme de course n’est pas au top , et les spasmes coliques sont toujours bien présents.

J’évite de me toucher le ventre car c’est assez insupportable et les douleurs irradient même dans le dos. Alors j’évite de me focaliser dessus.

Pas de vomissements, pas de diarrhée donc tout va bien je peux garder tout ce que je mange et c’est bien là l’essentiel pour garder l’énergie jusqu’à la fin.

45ème km (6h de course): encore un gros coup de mou, avec bien du mal à avancer. Je décide d’écouter un peu de musique pour tâcher de me redonner de l’énergie.

Grave erreur !! Dès les premières notes dans les oreilles, l’agression est immédiate. Je cherchais de l’énergie, la musique me la puise ! Ce n’est donc pas ça qui va m’aider à terminer  l’Ultra-Trail des vagues. Je stoppe illico et referme ma playlist. Ce sera pour une autre fois.

Je continue à avancer  en alternant marche rapide et course lente, et toujours la clé : accélérer dans les descentes pour ne pas perdre trop de temps sur la barrière horaire, car pour ne pas être déclassé, il nous faut arriver au 70 km avant 18h00.

Ne faire que marcher ne suffira pas à terminer dans les temps, et il n’y a pas de ravitaillement entre le 38e et le 70e. Micka et Aurelien reprennent un peu le large devant moi, mais à distance raisonnable.

55ème km: un traileur est arrêté sur le bord du chemin, il se tient le vente je lui demande ce qui se passe:  il me répond qu’il a très mal depuis le début et a déjà vomi cinq fois, qu’il se sent à bout de forces. Je lui réponds qu’on est à peu près dans la même galère et je lui propose de faire un bout de chemin ensemble histoire de s’épauler. Il accepte, mais après 3 km, il me demande d’aller à mon rythme car il ne pourra pas suivre et abandonnera au prochain ravitaillement. Je me dis alors  que j’ai de la chance et qu’il faut la saisir, que le mot « abandon » est étranger à mon vocabulaire en ce 17 septembre.

À ce moment-là je me mets à dévaler toutes les pentes le plus vite possible et je finis par rattraper Micka et Aurelien qui sont devant moi. Dès que j’accélère , les douleurs sont plus fortes , mais je n’ai mal nulle part ailleurs , aucune ampoule, muscles, tendons et articulations sans souci, alors bien sûr, le moral revient.

Ultra-Trail des Vagues - Photo5À tel point que l’on prend même le temps de faire une petite photo sur le départ d’un trou de golf, petit clin d’œil à mon ami Lionel qui m’avait demandé d’aller voir comment était le parcours!! Pas vraiment le temps de jouer on n’y reviendra pour ça une autre fois !!

60ème km: le magnifique décor que nous offre la pointe des Poulains est salvateur. Il remonte le moral.

Les embruns sont toujours aussi bienfaisants pour mon corps et mon esprit.

Au détour d’un virage m’attendent ma petite femme et ma maman, venues nous soutenir. La charge émotionnelle est très forte à ce moment-là car je ne m’attendais pas à les voir.

Mes lunettes de soleil cachent un peu le luisant de mon regard. J’ai bien du mal à répondre aux questions quand elles me demandent si ça va… J’ai bien du mal à expliquer comment j’ai fait pour arriver jusque-là mais tout ce que je peux dire c’est que j’irai jusqu’au bout. Je sens leur regard à la fois admirateur mais aussi très inquiet et ça me booste pour repartir.

Ultra-Trail des Vagues - Photo6Cette bouffée d’oxygène me procure un regain énergie énorme, et je vais à courir quasiment tout le temps pendant les 5 km qui suivent. Aurélien est un petit peu devant. Micka et moi sommes tout proches l’un de l’autre.

Nous marchons en même temps, nous courons en même temps, la synchronicité redevient naturelle, nous revivons un peu de notre MDS avec la complicité et la complémentarité qui nous avait tant réussi .

Jusqu’à la fin nous resterons tous les deux.

La quantité d’eau baisse dangereusement dans nos gourdes, le soleil a été généreux depuis la fin de matinée mais a entamé forcément nos réserves liquides. Heureusement, nous allons trouver un petit ravitaillement près d’une ferme avec des gens adorables qui vont nous fournir l’eau nécessaire.

Je m’enfile trois ou quatre bouteilles de cristalline pétillante, cette fameuse eau salée  qui va me permettre de retrouver, une nouvelle fois, mon énergie.

Pour autant, quelques km plus loin, faute d’avoir fait le plein sur ce petit ravito « sauvage », Micka n’a plus d’eau sur lui et heureusement que j’ai une gourde d’avance que je peux lui fournir.

70ème km (10h30 de course): L’arrivée à Sauzon est une sorte de libération. On nous avait dit « une fois que tu es à Sauzon tu as fait le plus dur »!!
Mais un coureur sur le revitaillement va vite me saper le moral en me disant que les 13 kilomètres restants sont les plus difficiles. Je lui réponds simplement que si c’est pour dire cela il ferait mieux de se taire !

Un énorme coup de mou me prend à ce moment-là je ne sais plus trop où je suis, ma femme et ma maman sont là , nous on rejoint à vélo sur le ravito , et sont de plus en plus inquiètes devant mon air complètement apathique, ahuri et lessivé.

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À ce moment-là j’ai l’impression d’être à côté de mon corps. De ne plus maîtriser tous les gestes. Ne plus savoir où est mon énergie. Où vais-je pouvoir la puiser à nouveau ??

Et quand je reprends la route, les jambes sont molles, la tête tourne un peu et le regard se floute. Entre Sauzon et le Palais, c’est une suite interminable de montées énormes et de descentes tout aussi importantes qui s’enchainent sans jamais l’ombre d’une portion de plat.

Toujours la même stratégie, je marche dans les côtes , et je cours à fond dans les descentes. Les traileurs le savent: dans les descentes, plus on va vite et moins on se fait mal. Et surtout, on arrive plus vite à l’arrivée !!

Car je sais que si je ne fais que marcher il me faudra 2h30 pour faire les 13 derniers km , ce qui après plus de 10h30 d’efforts n’est pas envisageable pour moi !!

Ultra-Trail des Vagues - Photo9Je n’ai plus de jus mais l’énergie du mental, la proximité de l’arrivée me boostent. « Plus que 8,  plus que 7 , plus que 6… plus que 5… » Voilà ce que je me dis à chaque détour et à chaque coin de chemin. Micka est tantôt devant, tantôt derrière mais on est tout près l’un de l’autre.

Je décide d’immortaliser ce moment par selfie, il traduit bien mon état d’épuisement.

79,5 km (12h45 de course): La citadelle est en vue. Dans une grande descente nous attend un comité d’accueil nous applaudissant: la famille !

On arrive sur le port, tous les passants , les bellilois nous applaudissent. Une dernière montée de 150 m, puis c’est la descente vers l’arrivée, cette fameuse grande ligne droite en descente dont j’ai rêvé depuis le 33ème km.

Et cette ligne droite est sans doute une des plus belles de ma vie récente de traileur après celle de la dernière étape du MDS.

Une bonne tape dans les mains, une accolade et nous franchissons la ligne tous les deux après 13h22 minutes et 15 secondes d’efforts intenses.

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Tout le monde est là pour nous accueillir. Aurélien qui a finit 10 minutes plus tôt, Olivier qui a terminé depuis bien longtemps. Dans mon corps, dans ma tête, dans mes yeux, je ressens une sorte de « ch’sais pas quoi ». Magique !

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15 minutes après l’arrivée, je claque des dents, je suis gelé, je frissonne et je m’engouffre dans une couverture de survie.
Retour au mobile home.

Gros craquage avec un flot d’émotions incontrôlables que je vais libérer pendant 10 minutes.

J’ai réussi. Je croyais que jamais je n’y arriverais. De la nature et de la force de ses éléments, je me suis nourri.

Cette force monu-mentale, capable de nous envoyer là où on le suspecte même pas m’aura permis d’atteindre le Palais… Royal !

Il paraît que le palais est fait pour déguster… Je pense que ce samedi 17 septembre 2016, j’ai effectivement bien dégusté !!!

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8 Commentaires sur “L’Ultra-Trail des Vagues: Monu… mental !

  1. Damien says:

    bravo Brice et merci pour l’organisation sans faille du week-end.
    te voilà un grand garçon maintenant que tu as bouclé une vraie coursette
    au fait : joli swing !
    encore bravo.

  2. virginie says:

    Bonjour Brice… et avant bien évidemment de nous courber pour te feliciter , c’est tout simplement un grand merci que nous souhaitons te dire.. merci pour nous avoir fait partagé cette grande expérience, merci pour les leçons et merci pour toutes les émotions que tu nous as transmises. nous te savions doué pour la discipline médicale , la prose semble aussi te correspondre! c’est vraiment une grande expérience, une très grande leçon. Bravo à toi. toutes nos félicitations, tu vas également pouvoir capitaliser sur ces moments dans ta vie de trailer mais surtout de tous les jours… on apprend tellement sur soi! Encore bravo et bonne récupération à toi. Ps: la prochaine fois, tu éviteras de piquer les pom’potes de tes enfants…Virginie et Bagdad

  3. Alexandre says:

    Ton partage de vie sur une épreuve m’a donné l’envie de connaître tes sensations, mais j’ai compris une choses pas de POM’POT lol
    BRAVO à toi !!

  4. Ludovic says:

    Félicitations !!

    Le mental est déterminant dans la performance sportive…
    Adepte du trial (pas des ultra…) et étudiant en STAPS, je viens de découvrir un livre passionnant d’un prof que j’ai en cours qui présente la notion de psychonutrition et l’importance du tube digestif (microbiote intestinal) en lien avec le mental; et cela en toute indépendance des laboratoires, qui inondent le marché d’allégations de performance mensongères!
    Jérôme MANETTA, l’auteur du livre, propose de corriger l’alimentation du sportif avant de proposer (occasionnellement) un compléments alimentaires.
    Il donne des des informations théoriques (pour comprendre) et pratiques très intéressantes.

    Le livre s’intitule: micronutrition et nutrithérapie du sportif: Optimisation des performances (Sparte éditions), 2017.

    Voilà pour l’information.

    Bonne continuation à tous!!

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